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Crédit Impôt Recherche (CIR) : ce qui a changé en 2016 !

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En France, l’actualité du Crédit Impôt recherche (CIR) est régie par les mises à jour de la loi, de la jurisprudence et du Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOFiP-Impôts), qui est une base documentaire regroupant l’ensemble des commentaires de la législation fiscale publiés par la Direction générale des Finances Publiques.
Mais au-delà des textes officiels, c’est aussi l’état d’esprit de l’administration fiscale qui conditionne l’actualité du CIR. En effet, l’augmentation considérable des montants de CIR attribué, plus de 5 milliards d’euros en 2016, a fait réagir les pouvoirs publics. Ceux-ci sont désormais plus vigilants, en effectuant des contrôles plus poussés avec des exigences supérieures.
Alors que l’année 2016 s’achève, revenons à présent sur ces évolutions en matière de Crédit Impôt Recherche qui nous ont le plus marqué. 

L’évolution de l’état d’esprit de l’administration fiscale

En 2016, dans le prolongement de l’année 2015, le nombre de contrôles a crû considérablement. Ces dernières années, si l’on avait pu assister à un certain manque de vigilance, on a pu constater dernièrement un durcissement des exigences avec des vérifications plus approfondies. Désormais, l’administration fiscale n’hésite pas à recourir à des redressements, avec des prises de positions parfois rigides voir lapidaires. Sur quelques cas, même lorsque le dossier est irréprochable, des rejets totalement arbitraires sont formulés par l’administration fiscale.
La jurisprudence met bien en lumière cette intransigeance des pouvoirs publics lorsqu’il s’agit de se prononcer sur l’éligibilité d’un projet. Nous pouvons citer le cas de notre ancien client, sur lequel la Cour Administrative d’Appel (CAA) de Marseille a rendu son jugement le 15 décembre 2016, pour des faits remontant à 2010.  Notre client, une association dite loi 1901, s’était vu refusé en décembre 2011 le remboursement de son CIR 2010 par l’administration fiscale. Celle-ci s’appuyait sur l’avis rendu par la Direction Régionale de la Recherche et de la Technologie (DRRT), qui énonçait que l’activité de cette association ne rentrait pas dans le champ d’application du CIR. Le 19 Mai 2015, le Tribunal Administratif avait confirmé la position prise par l’administration fiscale.
L’association plaignante invoquait par ailleurs l’incompétence de la DRRT, qui devait statuer sur l’éligibilité de l’association au CIR. Cette dernière accusait également les décisions rendues entachées d’un « défaut de motivation »  et d’une procédure comportant de nombreuses irrégularités qui portaient atteinte aux droits de la défense.
La CAA a décidé d’annuler le premier jugement et d’attribuer la restitution des montants de CIR en jeu et même le versement par l’Etat de dommages et intérêts. (CAA de Marseille, 3ème chambre, 15 décembre 2016, n°15MA03234).
Nous constatons que l’administration fiscale joue avec les délais lors du versement des montants de CIR. Pour notre association cliente, la bataille juridique a été longue, avec un engagement significatif de temps, d’argent et d’énergie et la mobilisation d’une équipe juridique et administrative. Sur la ligne d’arrivée, certes, l’association a gagné son procès 6 ans après. Mais à ce jour, elle attend encore le versement du montant de son CIR.
L’environnement du CIR est un système en proie à une relative dualité : l’administration fiscale n’est pas soumise aux contraintes de temps et de besoin de trésorerie qui pèsent elles, sur les entreprises du secteur privé.

 

L’éligibilité des projets au CIR

Les mises à jour de la base du BOFiP-Impôts ont été nombreuses en 2016. Nous remarquons une certaine stabilité au sujet des définitions données par l’administration fiscale concernant les activités éligibles au CIR. Néanmoins quelques mises à jour sont venues préciser l’environnement fiscal.
En date du 2 Novembre 2016, le BOFiP-I a été étayé d’une précision de la base documentaire qui spécifie que le dépôt d’un brevet ne suffit pas à lui seul à authentifier le projet comme correspondant à de la R&D. L’administration fiscale indique désormais que le brevet correspond davantage à un indicateur de R&D qu’à un élément, dont la présence ou l’absence caractériserait l’existence d’une activité en R&D (BOI-BIC-RICI-10-10-10-20, 2 Novembre 2016, §330).
Pour aider les entreprises innovantes à déterminer l’éligibilité de leurs projets au CIR, l’Etat a mis en place un assouplissement de la réglementation concernant le rescrit fiscal. Rappelons que le rescrit permet aux entreprises s’interrogeant sur l’éligibilité d’un projet d’obtenir une décision explicite de l’administration fiscale. Le délai de traitement d’une demande de rescrit est de 3 mois et permet, a priori, aux entreprises d’obtenir un avis avant que celles-ci n’aient un engagement financier dans le projet.
En date du 5 octobre 2016, la mise à jour vise à favoriser le développement des entreprises innovantes, en instaurant le « rescrit roulant ». Le rescrit roulant permet aux entreprises ayant déjà obtenu un rescrit fiscal validant l’éligibilité de leur projet au CIR, d’assurer la continuité de ce rescrit en cas d’évolution du projet initial. La mise en place de cette mesure permet désormais aux entreprises de bénéficier d’une plus grande souplesse dans l’exécution de leurs projets et surtout de se prémunir contre le risque de redressement fiscal. (BOI-SJ-RES-10-20-20-20, 5 Octobre 2016, §20)

 

Les dépenses retenues lors du calcul des droits au CIR

Lorsqu’un projet est reconnu comme éligible au CIR, la difficulté qui persiste est d’identifier quelles sont les dépenses qui peuvent ou non être prises en compte dans le calcul.
Une mise à jour de la base du BOFiP-Impôts du 7 Décembre 2016 a éclairci en partie la nature des dépenses ouvrant droit au CIR. À l’ordre du jour, ce sont les dépenses de personnel, les frais de fonctionnement ainsi que les dépenses de recherche sous-traitées dont il était essentiellement question, dans les sections 2, 2.5 et 3 (BOI-BIC-RICI-10-10-20,20160706).

Les précisions apportées dans cette importante mise à jour participent à la volonté de clarification des textes légaux.
Nous savions que pour être éligible, un projet devait obligatoirement être réalisé sous la conduite d’un chercheur, qu’il soit scientifique ou ingénieur. Dans la récente mise à jour, une définition plus précise a été donnée :

  • Les chercheurs sont « des scientifiques ou des ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. »
  • Les ingénieurs sont « les salariés qui, sans remplir les conditions de diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise »
  • Les scientifiques sont des «  titulaires d’un diplôme de niveau master au minimum ou d’un diplôme équivalent »

Ces précisions, concernant la détention ou non d’un diplôme, permettront d’écarter les risques de mauvaise interprétation ou d’interprétation trop restrictive, pouvant être relevés en cas de contrôle.
Outre le statut de chercheur, c’est le statut de technicien de recherche qui est également précisé. Désormais, l’administration fiscale considère le technicien de recherche comme étant la personne qui «  travaille en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental ». La nouvelle définition de technicien de recherche laisse de côté la notion de diplôme pour s’intéresser à la tâche réalisée.
Le texte légal prévoit également que, désormais, les stagiaires et les apprentis pourront également être considérés comme des techniciens de recherche dans le calcul de l’assiette du CIR.
En ce qui concerne les jeunes docteurs, deux solutions favorables ont été apportées. D’une part, les dirigeants d’entreprise, à condition qu’ils participent personnellement aux opérations de R&D, pourront être considérés comme jeunes docteurs. D’autre part, la rupture de la période d’essai pour un Jeune Docteur ne remet pas en cause son statut pour son prochain emploi et ce,  pour la période restante.

D’après le guide du CIR 2016 :Lorsque les dépenses de personnel se rapportent à des personnes titulaires d’un doctorat ou d’un diplôme équivalent, elles sont prises en compte pour le double de leur montant pendant les vingt-quatre premiers mois suivant leur premier recrutement, à condition que le contrat de travail de ces personnes soit à durée indéterminée et que l’effectif du personnel de recherche salarié de l’entreprise ne soit pas inférieur à celui de l’année précédente. Il n’y a aucune condition sur le délai écoulé entre l’obtention de la thèse et la signature du premier CDI. 

Nous rappelons que ces définitions sont en contradiction avec la décision de la CAA de Paris rendue le 7 Novembre 2013.

 

Pour les dépenses de recherche externalisées

En dépit de certaines attentes, l’administration fiscale a maintenu sa position relative aux dépenses de recherche sous-traitées. Les sous-traitants désirant déclarer eux-mêmes leur CIR sont toujours tenus de soustraire de la base imposable le montant des factures émises envers l’entreprise ayant un projet de R&D éligible.
Ce cas a été conforté par la jurisprudence. La Cour administrative d’appel de Versailles a jugé dans l’affaire Altran Technologies que les dépenses de recherche engagées par une société non agréée doivent être exclues de l’assiette de son crédit d’impôt recherche dès lors qu’elles sont refacturées à des filiales du groupe. (CAA Versailles, arrêt du 29 novembre 2007, n° 05VE01865). En 2016, la demande d’appel  de la société n’a pas franchi l’étape d’admission devant le Conseil d’Etat (CE, 20 Octobre 2016, n°395305). Cette décision a fixé de nombreuses entreprises innovantes dans le même cas.

 

Le Crédit Impôt Recherche Collection

Rappelons tout d’abord les caractéristiques du Crédit Impôt Collection. D’après l’administration fiscale : « les dépenses relatives à l’élaboration de nouvelles collections des entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir sont éligibles au dispositif du Crédit Impôt Collection, intégré dans le Crédit Impôt Recherche ».
Pour beaucoup, le caractère industriel d’une entreprise n’était pas forcément évident à définir. En 2016, plusieurs juridictions ont tranché cet aspect, en décidant de l’octroi ou non du CIR Collection à l’entreprise qui en avait fait la demande. Mais le 27 octobre 2016, le débat est relancé suite au reçu au greffe du Conseil Constitutionnel, qui soulève une absence de conformité de la Constitution. L’administration fiscale, en réservant le bénéfice du CIR Collection aux seules entreprises industrielles aurait une position anticonstitutionnelle. Suite à la décision du Conseil Constitutionnel, le Ministère devrait se positionner sous peu …

 

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Références